Un musée qui fait mâle ! - Masculin/Masculin
C'est avec cette œuvre signée Pierre & Gilles intitulée Mercure que le Musée d'Orsay à Paris affiche son exposition temporaire Masculin/Masculin. L'homme nu dans l'art de 1800 à nos jours.
Au risque de faire grincer quelques dents, c'est gratuitement (avec mon Pass Éducation) que j'ai pu voir cette expo qui normalement coûte 12€, prix que je trouve bien trop cher pour ce qu'il y a à voir.
Bref, un peu d'histoire...
D'abord visible l'an passé sous le nom de Nackte Männer au Leopold Museum de Vienne, l'exposition a débarqué à Paris, au M.O., le 24 septembre et en partira le 2 janvier 2014.
Voilà comment le M.O. nous présente sa nouvelle exhibition :
"Pourquoi aucune exposition n'a-t-elle jamais été dédiée au nu masculin jusqu'à Nackte Männer au Leopold Museum de Vienne l'année dernière ? C'est pour répondre à cette question que l'exposition confronte des œuvres, à travers les époques et les techniques, autour de grands thèmes qui ont forgé la représentation du corps masculin sur plus de deux siècles."
Bon, première chose, les œuvres présentées ne datent pas toutes de cette période entre les années 1800 et aujourd'hui. Beaucoup d'entre elles sont antérieures.
Elle n'est pas organisée chronologiquement mais thématiquement :
(Toutes les photos ajoutées dans cet article sont tirées du site du Musée d'Orsay ICI)
L'Idéal Classique
J. -B. Frédéric Desmarais Le Berger Pâris (1787) Huile sur toile |
Dans cette partie, nous trouvons des œuvres d'artistes comme Desmarais, l'allemand Winckelmann, le danois Abildgaard ainsi que le célèbre David. On nous offre un réinvestissement des codes virils de l'Antiquité à travers des hommes dont la plastique est devenue un canon de beauté à la Renaissance jusqu'au début du XXème siècle.
J'ai beaucoup apprécié cette section bien qu'elle m'ait semblé un tantinet trop pauvre en œuvres...
Le Nu Héroïque
G. Hoyningen-Huene Horst P. Horst, Photographie (1932) |
Cette notion de héros est à la fois très simple et très complexe : tout dépend à quelle période nous faisons référence. D'abord demi-dieu ou mortel ordinaire transcendant sa condition et allant à l'encontre de son destin, l'Exemplum Virtutis (Exemple de vertu) dans l'Antiquité s'est proposé d'allier à la force de l'esprit la beauté du corps comme pour Hercule ou David tuant Goliath, tous deux héros dont l'idéal viril et combattif est à atteindre. Mais de nos jours, que reste-t-il de cette définition étymologique ? La beauté du corps du héros se révèle et se dévoile à travers des hommes d'exception, remarqués et remarquables... sans pour autant qu'ils aient accomplis une geste exemplaire... C'est ainsi qu'on nous propose des photographies, peintures, sculptures de Wiley ou Hoyningen-Huene.
Bien que très réfléchie, cette section, à mon goût, manque de développement. Les œuvres sont très bien choisies mais l'ensemble m'a laissé sur ma faim.
Les Dieux du Stade
Pierre et Gilles Vive la France (2006) Photographie peinte |
Voici ce qu'on nous en dit :
"Au cours du XIXe siècle s'amorce un nouveau regard porté sur le corps, plus médical et hygiéniste, dont l'incidence sur la conception du nu artistique est considérable. Les mouvements d'éducation physique et les gymnases se multiplient [...] Cette conception trouve un accomplissement dans le culturisme, admiration narcissique d'un corps devenu objet à façonner comme une œuvre à part entière."
Tout est dit et on sait du coup à quoi s'attendre ! C'est également dans cette partie qu'on lie les régimes totalitaires, démocratiques et les courants de pensée à la représentation du corps de l'homme comme étant leur symbole.
J'ai trouvé la problématique intéressante et les œuvres sélectionnées pour y répondre très pertinentes. Vraiment, une de mes préférées.
Dur d'Être un Héros
J. -B. Duseigneur Roland furieux (1867) Fonte |
Là sont exposées des oeuvres qui montrent l'héroïsme dans la disposition des ciorps plus qu'à travers l'expression du visage et des regards. L'héroïsme est décliné via des scènes de destins fatals où les coprs sont malmenés, entravés, etc.
Une section qui ne m'a pas plus interpelé que cela dans la mesure où la continuité thématique avec l'héroïsme s'est rompue... Les œuvres, certes magnifiques, n'ont pas trouvé je pense leur bonne place.
Nuda Veritas
A. Rodin L'Age d'airain (entre 1877 et 1880) Statue de bronze |
La vérité nue ou dénudée... Tout un programme ! La section pose le délicat problème de ce corps d'homme qui choque, qui devient obscène (qui ne doit pas être montré - hors de la scène ) aux abords du XXème siècle et sa représentation réaliste par rapport à celui de la femme ! Ainsi les nouvelles technique comme l'arrêt sur image permet une dissection plus analytique du corps en mouvement, mettant ainsi à distance l'érotisme de l’œuvre pour mieux choquer.
J'ai bien aimé ce qui nous est proposé mais une fois encore, la distribution dans l'espace est désordonnée et ne permet pas immédiatement de comprendre la pertinence du lien entre les œuvres, somme toute toujours magnifiques...
Sans Complaisance
W. Bouguereau Égalité devant la mort (1848) Huile sur toile |
Une section très surprenante dans laquelle on nous donne à voir des corps d'hommes nus "sans complaisance", dans toute la révélation de leur nature de chair, sans artifice... Et j'ai pour ma part était extrêmement troublé par une des œuvres de Ron Mueck... Je ne vous en dis pas plus !
Cette toute petite section est parmi toutes celle qui m'a le plus interpelé.
Im Natur
F. Bazille Le Pêcheur à l’épervier (1868) Huile sur toile |
Tout est dans le titre... Les œuvres présentées dans cette sections sont toutes des représentations d'hommes nus dans la nature. Ainsi, on peut découvrir celles de Bazille mais aussi de Flandrin avec son Jeune assis au bord de la mer.
J'ai bien aimé cette partie. Je n'ai pas non plus adoré mais les œuvres élues pour cette section sont pertinentes et cohérentes.
Dans la Douleur
D. LaChapelle Would-Be Martyr and 72 virgins Photographie |
Une section assez spéciale aussi bien dans sa thématique que dans les œuvres sélectionnées. Ici il est question de martyre, de torture, de souffrance endurée par le corps de l'homme. Mais le corps, à travers la douleur, est fétichisé, pris en tant que simple objet de fascination...
J'ai trouvé que cette section était un peu artificielle bien que j'ai découvert des œuvres parfaitement originales... Mais bon, c'est tout !
Le Corps Glorieux
F. -X. Fabre Saint Sébastien expirant (1789) Huile sur toile |
Ici, dans cette partie, se dévoilent des oeuvres empruntent de religion à l'instar de celles représentant Saint Sébastien ou le Christ. Le corps est à chaque fois sublimé pour rendre encore plus prégnante la torture physique infligée au protagoniste. Cette dernière devant élever l'âme du supplicié.
J'ai adoré cette partie, vraiment ! Non parce qu'elle est influencée par la chrétienté mais parce que la représentation du corps est liée à celle de l'âme.
La Tentation du Mâle
P. Cadmus Le Bain (The Bath) (1951) Tempera sur carton |
Quoi de mieux pour décrire cette section que la présentation que le M.O. nous en fait :
"Un regard assumant un désir pour le corps de l'homme et la libéralisation des mœurs donne naissance à des œuvres audacieuses dès le milieu du XXe siècle [...] Alors que l'attirance physique des corps est longtemps restée confinée dans le secret des intérieurs privés, elle apparaît de plus en plus au grand jour, dans des cercles de sociabilité exclusivement masculins comme la douche collective, ou encore sous couvert de la reconstitution d'une Antiquité platonique."
Je n'ai pas franchement apprécié cette section même si une des œuvres présentée m'a beaucoup amusé puisque intitulée Origine de la Guerre... Seule œuvre où on nous représente un sexe en érection. Section pour laquelle on nous avertit qu'elle peut choquer certains.
L'Objet du Désir
A. -L. Girodet Le Sommeil d'Endymion (1791) Huile sur toile |
Il est ici question d’ambigüité, d'amours bisexuelles, dans des œuvres représentant souvent des scènes mythologiques au pouvoir homoérotique assumé. Jupiter et Ganymède par exemple, ou une oeuvre de Pierre et Gilles, telles sont quelques unes des oeuvres qu'on peut y voir.
Rien de choquant dans cette partie qui peut être comprise comme une conclusion non dite de la représentation du nu masculin ou comme une introduction tout en douceur à la section décrite juste avant. Dans les deux cas, c'est une partie que j'ai bien aimée.
En conclusion, Masculin/Masculin. L'homme nu dans l'art de 1800 à nos jours est une belle exposition bien que décevante. Je pense aussi que cette déception vient du fait qu'on en a fait un objet de scandale alors qu'il n'y a là que de l'art. Mais il est vrai tout de même que la représentation du corps nu d'un homme est bien plus délicate et à construire et à intégrer que celle de la femme, plus quotidienne (mais non moins choquante ?! )
Le prix (12€) est excessif en tout cas. Je l'ai visitée gratuitement et c'est tant mieux ! Le gros point négatif, à mon avis, est que c'est assez désorganisé même si une cohérence a été pensée. Toutefois, le côté artificiel voire faussement scandaleux de quelques sections rendent l'ensemble bien fade même si très intéressant. Je déplore enfin le côté un peu superficiel de quelques thématiques abordées et pour lesquelles on reste un peu sur notre faim.
Et vous, aimeriez-vous la visiter ou si c'est déjà fait, l'avez-vous aimée ?
Nicolas.
Lô
Laurent - Officieusement 28 ans mais officiellement 34 - Région parisienne - Beau, intelligent et modeste
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